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Les CEE, certificats d’économies d’énergies, situation et perspectives

lundi 1er avril 2013, par Patrice Cottet (ECP 74)

« L’énergie est notre avenir, économisons là »

C’est à cette maxime qu’il est possible de savoir qu’on vous a parlé, sans le dire, des CEE (sujet déjà détaillé dans le Flash 23 disponible sur notre site). D’après ce système, les vendeurs d’énergie ou de services énergétiques doivent inciter leurs clients à faire des économies. Mécanisme ô combien paradoxal qui dans d’autres mondes consisterait à demander aux garagistes à inciter leurs clients à ne pas acheter d’autos et aux maraîchers à encourager leurs clients à ne pas acheter de salades... Un soupçon de bon sens permet d’imaginer assez vite les limitations intrinsèques du système... Mais avant d’en arriver là, détaillons-le :

Ces vendeurs d’énergie, appelés « obligés » sont donc contraints de faire faire à leurs clients des économies de kilowattheures pour un montant global triennal déterminé. La première période, 2006-2009, considérée comme période de démarrage, ne portait que sur 54 TWh cumac (térawatt-heures cumac = énergie économisée cumulée et actualisée sur la durée de vie du produit), autrement dit anecdotique, de l’ordre de 0.3 % de l’énergie primaire consommée à période comparable. Pour satisfaire leurs obligations, les acteurs n’ont eu qu’à rassembler les factures de travaux de nature à économiser l’énergie couramment réalisés dans la vie économique usuelle.

Nous sommes en seconde période, 2011-2013, et là c’est plus important :
- Le quorum est maintenant de 345 TWh cumac, soit 7 fois plus que la période précédente.
- Les obligés doivent faire signer au client final un formulaire disant que c’est à leur initiative que les économies sont réalisées.
- Certaines opérations ne sont plus comptabilisables car ajoutées à la réglementation, exemple le change-ment des ampoules électriques.

Néanmoins, à 8 mois de la clôture de la période, le quota est presque atteint. L’essentiel est apporté, à 90%, par les actions sur le bâtiment (dont 80% par le résidentiel) ; c’est effectivement le gisement le plus facile à épuiser, car le transport et l’industrie ont déjà, pour raisons d’économies financières, optimisé leurs consommations. A titre d’exemple, le parc automobile est plus récent que le parc résidentiel, et les contrôles techniques réguliers écartent les véhicules les plus énergivores.

La troisième période n’est pas définie ; le lobbying est intense pour que les quotas soient réduits au maximum, d’autant plus que l’échec des conférences environnementales internationales ne nous pousse plus à aller de l’avant. Néanmoins la directive européenne en cours d’application vise une réduction de 1.5% par an, et ce pour chacun des Etats Membres (qui devront aussi probablement tous rentrer dans le processus des Certificats) ; le futur quota devrait être légèrement inférieur au pétawatt-heures cumac, mais les diverses pressions et négociations ne l’amèneront probablement qu’à 600 TWh cumac.

Sans savoir de quoi l’avenir sera fait, en France on se prépare de plusieurs manières :
- De nouvelles fiches standardisées (descriptifs) ont été publiées, portant cette fois ci d’avantage sur la production, la distribution d’énergie, sur le secteur industriel ou agricole. Certaines peuvent paraître ésotériques, comme par exemple : « Régulation d’un groupe de production de froid permettant d’avoir une haute pression flottante »
- Une fiche concerne la « Surperformance énergétique pour un bâtiment neuf avec label de haute performance énergétique ». En effet, l’actuelle réglementation thermique RT2012 laisse encore une large place pour des économies supplémentaires, ce qui n’aurait pas été possible si on était passé directement à un standard plus performant.
- De nouveaux domaines ont été ouverts, ceux de la Précarité énergétique, permettant aux obligés d’obtenir des CEE s’ils abondent le fonds prévu à cet effet.
- Les obligés continuent et accentuent leurs méthodes d’obtention habituelles : Bons d’achats (hors carburant) dans leurs magasins pour les grandes surfaces distributeurs de carburant, pour les uns, campagnes publicitaires télévisées, appels téléphoniques, pour les autres, qui espèrent encore, si c’est possible, de rassembler des CEE gratuits. Néanmoins les clients commencent à savoir que les CEE peuvent se monnayer, et donc ces obligés devront trouver d’autres moyens. Lors de la conférence consultative, ils ont même suggéré que ce soit les vendeurs de matériaux isolants qui soient soumis aux obligations !
- La possibilité d’acheter des CEE sur le marché d’échange existe toujours ; le cours oscille aux alentours de 0,43 cts par kilowattheure, soit 5 fois moins cher que l’amende infligée en cas d’insuffisance. Le volume annuel des transactions passant par ce biais n’est que de l’ordre de 1 TWh cumac, soit 1 pour cent du total trisannuel. Le cours devrait légèrement baisser vers la fin de l’année, dans la mesure où les quotas sont presque atteints.
- Au final, il reste la possibilité, pour les plus riches, d’accepter de payer une partie sous forme d’amende, soit 2 cts par kWh.

Plusieurs champs d’action restent encore à ouvrir :
- Rentrer dans le domaine comportemental. Aujourd’hui, les économies d’énergies sont mesurées par rapport à des calculs réglementaires, et par rapport à des performances d’équipement acquis, alors qu’une grande partie de l’énergie consommée l’est parce que les usages pris en comptes dans les calculs sont loin d’être respectés par les usagers ; fenêtres ou portes ouvertes, robinets thermostatiques ouverts à fond, température intérieure excessive, fonctionnement du chauffage en périodes d’inoccupation… On devrait donc trouver un mécanisme se basant sur la mesure de l’énergie entrante dans un local.
- Pour étendre le champ d’application des CEE, il faudrait faciliter l’isolation par l’extérieur des bâtiments existants, seule méthode vraiment efficace et envisageable dans le cas de logements occupés. Les permis de travaux doivent être facilités, et les architectes des bâtiments de France moins pointilleux ; les municipalités qui refuseraient un permis de travaux sur des bâtiments non classés devraient compenser le surcoût d’énergie dépensé suite à leur décision.

Conclusion :

Les CEE sont donc après 6 ans d’expérimentation toujours dans une phase de recherche. Cette mesure, initiée par la loi POPE de 2005, elle-même issue de la loi européenne sur l’Energie, sera-t-elle suffisante pour contribuer à l’objectif final de réduction de la consommation énergétique et de production de gaz à effet de serre ? Elle est aujourd’hui autant un outil de comptage qu’une réelle promotion vers les économies, néanmoins les obligés ont déployé des méthodes de promotion qu’ils n’auraient pas initiées sans cela. On sait d’emblée que les objectifs seront difficiles à atteindre… mais qu’ils sont possibles. Il faut que les outils soient à la dimension de la problématique. La fixation des cibles à venir pour la 3ème phase des CEE sera l’occasion de voir si le politique s’est emparé avec sérieux et ambition de la question, ou si elle a au contraire pour vocation d’être un yoyo dans les mains des "obligés".

Retrouvez également cet article dans le Flash n°34.

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