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Sites d’essais en mer pour installations de récupération d’énergies marines renouvelables – De SEM-REV à la FONDATION OPEN-C – Le plus grand centre d’essais en mer en Europe.

mardi 18 avril 2023, par Gérard Bureau

Propos recueillis par Gérard Bureau (ECN 76)

Les Groupes Professionnels Centraliens ‘Centrale Energies’ et ‘Centrale Métiers de la Mer’ s’intéressent dans ce flash n° 89 à une initiative unique en Europe et probablement dans le monde qui concerne la création d’une structure fédérant, dès 2023, l’ensemble des ressources et des infrastructures d’essais en mer dans les domaines de l’éolien flottant et des énergies marines renouvelables (EMR).

Nous apprenons en dernière nouvelle que le premier Conseil d’Administration de la Fondation Open-C s’est tenu le 18 avril. A cette occasion, Frédéric Moncany de Saint-Aignan a été élu Président du conseil d’administration de la Fondation. Sur sa proposition, le conseil d’administration a nommé Bertrand Alessandrini à la direction générale de la Fondation.

Centrale Energies (CE) : Qui êtes-vous M. Alessandrini ? Pouvez-vous vous présenter et nous décrire votre parcours et vos responsabilités actuelles ?

Bertrand Alessandrini (BA) : Je suis diplômé de Centrale Lyon, promo 1989. A ma sortie de l’Ecole, j’ai effectué mon service national comme Scientifique du Contingent. Ayant, par goût, choisi le domaine maritime et naval, j’ai été affecté à SIRENHA comme ingénieur. A l’époque, SIRENHA est une junior entreprise logée à Centrale Nantes. Encouragé par son directeur, cette affectation m’a conduit à faire un DEA puis un doctorat au laboratoire d’hydrodynamique navale sur la simulation numérique des effets de surface libre. Durant ces études, j’ai été recruté par Centrale Nantes comme ingénieur de recherche.

Par la suite j’ai fait monter en puissance, au sein du laboratoire d’hydrodynamique, une équipe de recherche ‘Hydrodynamique et Génie Océanique’ avec un modèle ayant 50% de ressources financières extérieures venant des industries au sens large.

J’ai, aussi, cherché à valoriser ce travail de recherche en participant à la création de start-ups comme NextFlow Software, HydrOcean, Innosea dans les années 2005 – 2015.

De 2012 à 2020, j’ai rempli les fonctions de Directeur du Développement de Centrale Nantes et ai continué de suivre de façon rapprochée les progrès de SEM-REV.

Depuis 2020, je suis ‘Préfigurateur du Projet Open-C’.

CE : Nous comprenons que votre premier contact avec les essais en mer de systèmes de récupération d’énergies marines renouvelables s’est produit avec SEM-REV. Qu’est-ce que SEM-REV ? Quelle en a été la genèse, quelles en sont les principales réussites ?

BA : En 2005, on voit arriver l’avènement des EMR et c’est en 2007 qu’émerge l’idée de SEM-REV (acronyme qui signifie historiquement Site d’Essais en Mer pour la Récupération de l’Energie des Vagues) dont l’objectif est de pouvoir proposer des essais en mer de prototypes à l’échelle 1 à ceux qui nous demandent des essais en bassin.

Dans les premières années, le projet était centré sur la création d’un site d’essais en mer pour tester un prototype taille 1 de récupération de l’énergie des vagues, projet sur lequel Alain Clément, ingénieur de recherche à Centrale Nantes, a longtemps été le seul à travailler (voir : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/alain-clement-pionnier-de-lenergie-des-vagues-1445977).

Ce n’est qu’en 2009, que d’autres types de récupération d’énergies de la mer, notamment à partir d’éolienne flottante, ont été pris en considération et ont conduit à une vision d’intérêt général de la conception du site d’essais en mer. C’est à ce moment-là que la Direction de l’Ecole m’a demandé de porter le projet de site d’essais.

Bien que n’ayant pas de client, il a été possible de lever 23 millions d’Euros pour démarrer avec un Contrat de Projet Etat Région (financement publique), convaincu qu’il fallait être en avance sur la demande.

Le site d’essais SEM-REV consiste donc en :
• Un ‘carré’ de mer de 1km par 1 km, au large du Croisic, dans 40 m de profondeur, pour lequel une concession a été obtenue de l’Etat, balisé, interdit à la navigation,
• Une instrumentation, houle, courant, vent
• Un câble export (20kV – 4MW) de 20 km, ensouillé, connecté à une sous-station électrique à terre appartenant à SEM-REV avec une multi-prise sous-marine d’où partent 3 ombilicaux, eux-mêmes équipés de connecteurs.
• Une connexion électrique terrestre à une sous-station Enedis.

Le site d’essais est complété à Penn-Avel par des locaux pour le Centre de Recherche que le Conservatoire du Littoral fournit gracieusement en échange d’activités de rénovation.

Les travaux de construction ont été réalisés par Centrale Nantes, pour laquelle SEM-REV est un département, aujourd’hui dirigé par Yves Perignon. Ils ont commencé en 2012 et le site est opérationnel en 2018.

L’éolienne flottante Ideol - Floatgen – turbine Vestas 2 MW – y a été installée au même moment.

De nombreux autres partenariats ont été noués autour de ce site.

Le modèle économique de SEM-REV consiste pour l’industriel qui souhaite faire des essais à rémunérer SEM-REV du coût des essais, des services que peuvent lui être fournis à travers l’utilisation des compétences des équipes SEM-REV et à partager les revenus de la revente de l’électricité.
Le programme Floatgen se termine en septembre 2023 mais un deuxième programme de recherche devrait démarrer dans la foulée.

En parallèle des essais menés par Ideol, beaucoup d’innovations technologiques sont testées sur le site comme, par exemple, celles qui permettent de suivre la condition de l’installation ou celles qui aident à appréhender l’importance des impacts, qu’ils soient environnementaux, visuels, …. En effet le suivi de ces impacts demande de nombreuses mesures et sont soit impossibles à faire car le matériel n’existe pas, soit très coûteuses, d’où la nécessité d’inventer et de tester.

Un exemple, concernant le suivi de la condition de l’installation, est la demande des autorités de vérifier, chaque année, le niveau d’ensouillage du câble. Cette demande étant coûteuse, il y a des essais de technologies intelligentes permettant d’obtenir des résultats possiblement en continu avec une bonne précision et quelque-soit la constitution du fond.

La structure SEM-REV, département de Centrale Nantes, comprend une vingtaine de personnes.

CE  : Comment SEM-REV s’est-il développé en Open C. Pouvez-vous nous présenter Open-C. Sa genèse, ses objectifs, son montage, ses acteurs, sa gouvernance, son financement …

BA : L’idée d’Open-C est venue de la constatation que le modèle SEM-REV, du point de vue économique mais pas uniquement, est difficile à gérer dans un contexte d’une Ecole d’Ingénieurs ou d’Université. Une réflexion a été menée, depuis 5 – 6 ans, sur la meilleure manière d’externaliser SEM-REV et de lui construire une personnalité morale, autre que Centrale Nantes, une structure dans laquelle il n’y a que des personnels financés par le projet.

Initialement, l’idée a été de constituer une société privée. Cette solution sur laquelle on a travaillé de 2018 à 2020, au périmètre de SEM-REV n’a finalement pas abouti du fait que les activités de SEM-REV sont à risque. En effet, elles sont tributaires de l’existence d’une concession octroyée par l’Etat, concession qui peut lui être retirée à tout moment.

Cette constatation a conduit à considérer qu’une meilleure structure serait une Fondation. Le modèle Fondation est très utilisé dans le monde anglo-saxon et, en France, dans le domaine médical. Il a effectivement des avantages pour pouvoir gérer des fonds publics – privés et permet également de financer des activités de recherche. Ce modèle est un modèle de centre d’essais qui s’équilibre financièrement.

L’Etat a donné son accord à cette solution, demandant toutefois, à ce que cette structure fédère tous les sites d’essais existants ou à créer en France.

Les sites concernés sont au nombre de 5 :

Site d’essais aujourd’hui

Aujourd’hui ces sites permettent de tester une douzaine de prototypes avec une profondeur maximale de 75 m et pour une puissance totale de 35MW. Demain, il est envisagé d’augmenter le nombre de prototypes pouvant être accueillis à 16 avec une profondeur maximale de 195 m et une puissance de 100 MW, ceci incluant la création d’un site ‘grande puissance’ (puissance de 50 à 100 MW).

Les fondateurs de la Fondation, au nombre de 10, sont Centrale Nantes, Ifremer, France Energies Marines, Energies de la Lune, Valeco, EDF, Valorem, TotalEnergies, Technip Energies, RTE.

Les missions de la Fondation sont larges et incluent :
• Développer des infrastructures en mer : développement des sites existants et création de nouveaux sites
• Opérer et assurer la maintenance des sites en mer
• Accompagner les essais de prototypes et briques technologiques
• Favoriser les investissements sur les infrastructures via le mécénat
• Assurer le suivi environnemental et la caractérisation des sites
• Diffuser la connaissance auprès de la communauté scientifique et du grand public
• Former les personnels pour assurer le pilotage et la maintenance des sites
• Consolider la filière nationale des EMR.

Son activité principale est d’accueillir des projets de recherche, européens ou nationaux, expérimentaux collaboratifs qui sont :

• Des projets connectés (au réseau électrique) de toutes les technologies
• Des projets non raccordés :
o Technologies émergentes (taille réduite ou houlomoteur)
o Briques technologiques (ancrages, câbles dynamiques, hub sous-marin de connexion, monitoring et systèmes de mesure, technologie hydrogène, etc.)
o Équipements d’observation environ-nementale.
• Des projets de recherche non-technologiques comme connaissance de l’environnement, interactions avec des technologies

La fondation devrait avoir un effectif d’une cinquantaine de personnes.

CE : Quels sont les moyens d’essais mutualisés (description, âge…) ?

BA  :

1. Paimpol – Bréhat : est un site d’essais en mer au profit du développement de la filière hydrolienne. EDF met à disposition des turbiniers son expertise en EMR et ses infrastructures de raccordement. Le site d’essais est exceptionnel de par ses caractéristiques exigeantes (turbulences, marées), l’expertise et les infrastructures de raccordement opérationnelles mises à disposition. Celui-ci est géré par EDF, SEENEOH et Bretagne Développement Innovation, avec le soutien de la Région Bretagne. Opérationnel depuis 2008. (Lien : https://testsites.bretagneoceanpower.fr/ )

2. Sainte Anne du Portzic est située en rade de Brest. Cette station d’essai in situ permet de tester différents équipements innovants dans le domaine des EMR, en se rapprochant des conditions réelles d’utilisation en mer. Les prototypes sont testés à l’échelle. Opérationnel depuis 2015. (Lien : https://www.ifremer.fr/fr )

3. SEM-REV : voir genèse ci-dessus Opérationnel depuis 2012. (Lien : https://sem-rev.ec-nantes.fr/version-francaise )

4. SEENEOH : Le site est situé dans la Garonne, en aval du pont de Pierre à Bordeaux. Situé à 100 kilomètres de l’embouchure de l’estuaire de la Gironde, il est exposé à d’importants courants influencés par le cycle diurne des marées du Golfe de Gascogne. Le site est dédié au test d’hydroliennes fluviales ou marines à échelle intermédiaire. Opérationnel depuis 2015 (Lien : https://seeneoh.com/ )

5. Mistral : en Méditerranée, aujourd’hui n’est qu’une concession du site d’essai Mistral en Méditerranée (au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône), gérée par Valeco depuis 2019. Le site, situé à 5km de la côte, est en construction. Il bénéficie d’une autorisation pour l’installation de deux éoliennes flottantes.
(https://www.groupevaleco.com/filiere-offshore/ )

CE : Quels sont les principaux projets en cours ou envisagés dans un avenir proche ?

BA  :

1. Sur Paimpol-Bréhat, le site vient de bénéficier de travaux de rénovation dans le cadre du projet européen Tiger. Le test de l’hydrolienne Hydroquest qui a duré deux ans s’est terminé en 2021. D’autres types d’hydroliennes sont envisagées d’être testées dans un avenir proche, notamment le concept Minesto.

2. Sainte Anne du Portzic ???

3. SEM-REV : Actuellement, le site est ‘upgradé’ afin de permettre la connexion d’installation jusqu’à 10 MW, ce qui nécessite une connexion aux installations Enedis située à La Baule. La première campagne d’essais de l’éolienne Ideol-Floatgen se terminera en fin d’année et une deuxième campagne débutera dans la foulée. Par ailleurs, une deuxième éolienne devrait être tester sur le site une fois la puissance acceptable augmentée. Il s’agit de l’éolienne d’Eolink avec une puissance de 6 MW.

Le carnet de commande de la Fondation Open-C représente à ce jour 50% du budget de fonctionnement envisagé incluant les essais de 4 éoliennes, 2 hydroliennes et un houlomoteur.

CE  : Cette fondation a-t-elle des équivalents en Europe ? Dans le Monde ? Cette fondation a-t-elle vocation de lier des partenariats ? D’être un leader mondial ? Son modèle est-il exportable ?

BA  : Cette fondation n’a pas d’équivalent en Europe non plus que dans le Monde. En Europe, seuls quelques sites permettent la réalisation d’essais en mer. Il s’agit de BIMEP en Espagne, PLOCAN aux Canaries, Wavec au Portugal, le site du Metcentre (Marine Energy Test Centre) en Norvège, OTS aux Pays-Bas et EMEC au nord de l’Ecosse.

La Fondation est évidemment ouverte à nouer des partenariats et nous avons, à ce jour, eu des échanges avec notamment le Japon et la Corée.

Nota : Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site Internet de la Fondation  : https://fondation-open-c.org/

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