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Quel avenir pour la ville ? Qu’en disent les centraliens ?

jeudi 29 juin 2023, par Etienne Vekemans (ECLi 89)

Pour éclairer notre propos, nous reviendrons sur deux livres publiés récemment :

« La ville stationnaire » de Ph. Bihouix (ECP96) ou comment mettre fin à l’étalement urbain ? (Actes Sud)

« La ville machine » de J. Ferrier (ECP81) ou comment se libérer de l’emprise technologique (L’Herne)

Les constats sont sévères, jugez-en :

Pour Jacques Ferrier,

L’épreuve pandémique que nous traversons a révélé l’incapacité des villes à prendre soin de leurs habitants. À partir de ce constat, cet essai interroge le rôle prépondérant qu’a pris la technique dans nos vies métropolitaines, et envisage la crise sanitaire comme une occasion de remettre l’humain au centre du projet urbain. Des transports de masse à la climatisation, des appareils ménagers aux outils informatiques, des réseaux d’énergie à ceux de communication, rien ne semble plus possible sans la technique. En accompagnant l’urbanisation planétaire, de servante, elle est devenue maîtresse. La ville a fini par se confondre avec une gigantesque infrastructure. On aurait pu attendre d’elle, en contrepartie, qu’elle soit protectrice. Or, il n’en est rien. Il faut remettre en jeu le corps dans la ville, prendre la question des sens – des cinq sens – au sérieux et placer le vécu de l’habitant au cœur du design urbain. La crise a montré que la relation est la valeur fondamentale de la ville résiliente. Cet essai souligne l’urgence de concevoir la ville autrement, de créer une architecture de la résonance ; résonance avec la planète, avec le contexte, avec l’habitant.

« La crise a dévoilé la vulnérabilité d’un monde urbain, dont on pensait que la sophistication et l’efficacité le rendaient infaillible. Or c’est précisément sa dépendance vis-à-vis de l’infrastructure technologique qui a provoqué la paralysie de la vie collective et économique. Cette situation extraordinaire expose au grand jour la prise de pouvoir de l’infrastructure technique, et comment celle-ci, à la surprise de tous, n’a fait preuve d’aucune résilience. »

Pour Philippe Bihouix,

La croissance des villes est devenue insoutenable : le secteur de la construction est l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre et engloutit des quantités énormes de ressources, pendant que l’étalement urbain dévore les sols naturels et agricoles.
Dans l’écoconstruction, les expériences se multiplient mais sont encore marginales. La densification et la métropolisation n’ont pas apporté les bénéfices environnementaux escomptés, tandis que se révèlent les vulnérabilités d’une concentration humaine trop grande. Quant aux promesses d’une technologisation accrue, les vertus des futures smart-cities restent mystérieuses ou ténues, malgré les incantations.
Et si les villes n’avaient pas vocation à grandir éternellement ? Plus tôt nous protégerons nos terres agricoles, naturelles et forestières de l’artificialisation, plus grande sera notre résilience face aux risques et aux crises écologiques à venir. Au plus vite, les villes doivent – et peuvent – devenir stationnaires. Il ne s’agit pas de les figer, mais de les transformer et les embellir, d’exploiter l’immense patrimoine déjà bâti.
Surtout, c’est notre rapport aux territoires qu’il faut faire évoluer, en favorisant la redistribution des services et des emplois, en œuvrant à une nouvelle attractivité des villes moyennes, des bourgs, des villages et des campagnes. Désormais les métropoles ne doivent plus attirer et grandir, mais essaimer.

Bon, après les constats qu’on est tous en mesure de faire nous-mêmes (mais pas si bien), la question de l’avenir (celui qu’on veut léguer) est plus précieuse qu’un retour sur les 30 calamiteuses et tout leur fatras d’erreurs coupables et de compromissions pitoyables. Nos deux briscards, bien au fait de l’urbanisme et de l’architecture de ce millénaire en tant que gérant de Ferrier et Marchetti ou en tant que vice-président de l’AREP, la plus grosse agence d’architecture française n’en ont pas manqué une miette. Alors après avoir tué le père quelles sont leurs visions pour demain ?
« Tant que l’on ne parviendra pas à redonner une vision de l’avenir de nos sociétés et du monde, tant que l’on n’expliquera pas avec courage les enjeux que les générations futures devront affronter, tant que nous ne parviendrons pas à convaincre nos concitoyens de la capacité à traiter des problèmes avec efficacité, tant que nous ne parviendrons pas à donner une légitimité à nos institutions démocratiques, l’incertitude va s’autoalimenter, les anticipations négatives s’autoalimenter, les anticipations négatives se renforcer en rendant le redressement de la situation de plus en plus difficile » (D. Kessler dans « Les Echos »).

Comme il, n’est pas seul à le dire, prenons la peine de lire ce que nos deux experts ont à nous dire :

L’écriture est précise, ciselée. Voici un résumé ici des thèses, en reprenant la progression de la pensée, mais on n’est pas là pour recopier tout ce qui est écrit : n’hésitez pas à acheter les livres chez votre libraire indépendant favori, pour en savoir plus sur le fond de la pensée de nos deux auteurs : ce sont de purs régals.

« Jacques Ferrier : comment se libérer de l’emprise technologique » : pour aller vers la ville sensuelle

1) La crise de confiance :
2) Le règne de l’infrastructure :
3) L’histoire :
4) La conquête de l’air :
5) L’envahissement des objets :
6) Le mouvement perpétuel :
7) Le corps dans la ville :

8) S’impliquer :
9) Pour un nouveau contrat : vers la ville sensuelle : à titre d’exemple, voir le pavillon « France » de l’expo de Shangai (2010)

https://www.lesechos.fr/2009/04/shanghai-2010-les-six-sens-du-pavillon-france-452881

Egalement de Jacques Ferrier, le siège de la Méropole de Rouen, le « Hangar 108 » certifié « Passivhaus Plus »

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« Philippe Bihouix : comment mettre fin à l’étalement urbain » ? Vers la ville stationnaire

0) Introduction :
1) La ville dense n’est pas écologique :
2) De l’attractivité territoriale à la ville repoussoir :
.. a) Les promesses non tenues

Prix du foncier
Les affres de la densification
Saturation et congestion
.. b) Dans les villes mondes

. Uniformisation
. Accélération
.. c) Vers le de-marketing territorial
3) Les promesses délétères de la smart city : intéressant !
.. a. Brève histoire d’un concept flou :
.. b. Quelques cas d’écoles : Songdo, Toronto, The Line
.. c. Ecolo la smart city ?
.. d. Effet et inerties systémiques :
.. e. Effet rebond :
.. f. Optimisation vs résilience :
.. g. Small is beautiful :
.. h. Retour sur Terre :
4) L’éco-construction ? Cache-sexe du business as usual ?

.. a. Les pistes de l’éco-construction :
.. b. Dans la jungle des labels : bah...pour une fois qu’il y a de la diversité...
.. c. Eco-matériaux :
Si le ciment était un pays, ce serait le troisième plus émetteur de gaz à effet de serre après la Chine et les US devant l’EU…
.. d. Recyclage et réemploi :
Les déchets du secteur de la construction : pas piqués des vers
.. e. Matériaux bio-sourcés, vers une impasse volumétrique :
Géo-sourcé / Bio-sourcé
.. f. Construction bois : quelles ressources disponibles  : combien de division, mon général ?
.. g. Construction bois : quel besoin dans le futur ?
.. h. Retour sur les « contraintes surfaciques » :
.. i. La construction terre : un potentiel encore trop négligé :
.. j. Faire flèche de tout bois :
L’écoconception ne résoudra pas tout. Sans une remise en cause des programmes et des besoins, sans une réduction substantielle de la « quantité à construire » à l’avenir, le pari est en tout cas très incertain. Il y a certes de beaux projets qui sortent, des initiatives louables et sympathiques, des programmes de recherche sur les matériaux, une réglementation qui évolue progressivement… Tout cela est sans doute nécessaire, mais certainement insuffisant. Pour résoudre l’équation environnementale, il faudra faire « flèche de tout bois » : dès maintenant, mieux réemployer les matériaux des bâtiments qu’on déconstruits, et à l’avenir pour ceux qu’on incorpore dans les nouveaux ouvrages.
5) Les réflexions embryonnaires du « Monde d’après » :
.. a. Rob Hopkins, la résilience dans tous ses états
.. b. La résilience en physique : T Young et W. Rankine
.. c. La résilience en psychologie : B. Cyrulnik
.. d. La résilience en écologie : Holling « la panarchie »
.. e. La résilience socio-écologique : La loi inéluctable des cycles adaptatifs : « Collapse » de Jared Diamond
.. f. Construire la résilience ?
.. g. Les stratégies de résiliences territoriales : Ademe
.. h. Quelles « briques » de la résilience ?
Le Cerema (centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement ) : (1) à (7)
The Shift Project : T1 (Comprendre), T2 (Agir), T3 (Organiser)
.. i. L’exemple de la résilience alimentaire : S. Linon
.. j. Derrière la résilience des choix politiques
.. k. Un nouveau « mot magique » ?
6) La ZAN (Zéro Artificialisation Nette) à la rescousse : depuis 1980, l’étalement urbain est 4 fois plus rapide que l’augmentation de la population
.. a. Stock et flux, bien comprendre les ordres d grandeur : stock entre 7000 et 54000 ha par an !
.. b. Sources et ressources : 1 département artificialisé tous les 10 ans !!!
.. c. Que conclure ? Les lois : Grenelle II, ALUR et ELAN
.. d. L’artificialisation, l’autre revenu agricole, on l’oublie trop souvent…
.. e. L’ambition de la Zéro Artificialisation Nette : process de renaturation
.. f. Petite histoire de la compensation : FWCA (1934), ERC (éviter, réduire, compenser)
.. g. Ou en sommes-nous aujourd’hui ? Côté absurde
.. h. ZAN, une nouvelle étape :
. Réduire de moitié d’ici à 2031
. Zéro Artificialisation Nette à partir de 2050 : inscrit sur des bases bien instables
7) De la ZAN à la ZAB (Zéro Artificialisation Brute) : vers la ville stationnaire : La Loi Climat et Résilience, issue de la Convention Citoyenne pour le Climat. Parallèle entre la ZAN et le CCS (Carbone Capture Stockage)…
.. a. Les limites de la compensation/renaturation
.. b. Incertitudes physiques : technosol ou anthroposol ?
.. c. Quels stocks disponibles ? grand flou. (3 ou 400.000 sites pollués pour 100.000 ha)
.. d. La question économique :
.. e. Réduire les flux : échec de la ZAN planifié ? pression à construire intacte
.. f. Le processus d‘urbanisme : ZAN. STRADDET (Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire). SCOT (Schéma de cohérence territoriale). PLU (Plan Local d’Urbanisme)
.. g. Comprendre la consommation d’espace dans le SCOT
.. h. Quels résultats en espérer ?

En conclusion, après des constats similaires sur l’état des lieux, (la critique de la « ville-machine » pour le premier et de la « ville-ogre » pour le second) les propos divergent vers une « ville sensuelle » pour J. Ferrier et pour P. Bihouix vers cette « ville stationnaire », qui n’est pas du tout une ville figée mais au contraire très dynamique, qui se prépare activement pour affronter les grands challenges qui nous font face, tout en essaimant ses meilleures pratiques. Des propos clairs servis par des chiffres précis, pour se faire une idée nette des sujets brulants du moment, très loin du brouhaha médiatique qui règne en maître sur le sujet.

Pour synthétiser, deux approches pas aussi incompatibles qu’il n’y parait, celle d’un architecte qui réfléchit sur son temps et continue à proposer des solutions pour un public qui veut du rêve et celle d’un aménageur, qui après la sidération du diagnostic initial veut apporter à un public averti des solutions d’avenir offre de réelles solutions pérennes en dehors de toute polémique en analysant les données disponibles sans complaisance. Deux livres rafraîchissants de clarté et de précision.

P.S. 01/06/2023 au sujet de La ZAN :
« Le texte visant à faciliter la mise en œuvre du Zéro artificialisation nette (Zan) des sols pour lutter contre l’étalement urbain sera examiné le 21 juin à l’Assemblée nationale et un accord parlementaire se dessine, a déclaré le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, devant l’Association des petites villes de France (APVF), le 1er juin.

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