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TRANSITION ENERGETIQUE et PENURIE d’ELECTRICITE

jeudi 29 juin 2023, par Alain Argenson (ECN 62)

Lorsqu’il a été décidé d’abandonner, avec juste raison les énergies fossiles, avons-nous bien eu conscience de l’énorme défi qui attendait la France et avec elle l’Europe ? Abandonner les énergies fossiles c’est se tourner principalement vers l’électricité aussi bien pour la mobilité que pour une partie du chauffage. Pourrons-nous d’ici 2050 convertir tous les chauffages au gaz (11 millions) et au fioul (3 millions) à l’électricité (pompe à chaleur notamment) ? Auxquels il faut ajouter 45 millions de véhicules ?

En 2019 la France a consommé en énergie finale 100,3Mtep (1 166TWh) de charbon, pétrole et gaz et 431TWh d’électricité. Le passage au tout électrique aura l’avantage d’un meilleur rendement surtout pour la mobilité. Combien faudra-t-il produire d’électricité ? Quelle sera la consommation en 2050 ? les estimations varient de 468TWh dans le scénario frugalité de l’ADEME, entre 555 à 754TWh pour RTE et même 1 000TWh pour certains.

RTE dans son étude en cours de réactualisation pour 2035 estime la consommation dans le scénario mondialisation contrariée à 500/550 TWh et jusqu’à 580/640TWh en situation normale.

Les centrales nucléaires existantes vieillissent et même prolongées jusqu’à 60 ans elles commenceront à s’arrêter à partir de 2040 et en 2050 il ne restera plus que 13,6GW en service. La dernière s’arrêtera en 2060 si la prolongation ne va pas au-delà de 60 ans (cf. notre flash 84). A consommation constante il faut donc d’ici 2050 remplacer 47,6 GW soit l’équivalent de 30 EPR2 de 1,65GW et 9 EPR2 supplémentaires pour 2060. Les 6 EPR2 proposés par le Président, d’une puissance totale de 9,9GW, sont donc insuffisants. Si l’on continue avec le nucléaire il faut un programme total de 39 EPR ou l’équivalent en SMR (Small Modular Réactor) et ceci pour produire seulement l’équivalent de notre production nucléaire actuelle. Or tous les scénarios prévoient une augmentation de la consommation électrique.

Le nucléaire seul est insuffisant pour assurer la fourniture d’électricité en 2050 et peut nous conduire à une pénurie d’électricité étant donné les délais de réalisation.

Il est indispensable de développer la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

Dans le scénario le plus nucléarisé de RTE (cf. notre flash 84) avec seulement 16 EPR2, soit 27 GW, et 24 GW de nucléaire historique, impliquant le prolongement au-delà de 60 ans de quelques réacteurs actuels, il est prévu pour 2050, l’installation de 70GW de solaire soit 350km² de panneaux (15,7GW fin 2022), 43 GW d’éolien terrestre soit 10 000 éoliennes d’environ 4GW (20,6GW fin 2022) et 22GW d’éolien en mer soit 2 200 éoliennes de10GW (0,48GW fin 2022). Sans nucléaire mais et avec une très forte dose de sobriété il faut au moins multiplier ces estimations par deux.

En parallèle de l’électricité il faut aussi développer le gaz renouvelable : méthanisation, hydrogène-méthanation.

Les citoyens ne sont pas conscients de l’ampleur de ce déploiement sur l’ensemble du territoire.

La loi d’accélération des énergies renouvelables a introduit des freins qui ne vont pas faciliter ces installations.

Il est temps de s’y mettre sérieusement et foin des débats entre nucléaire et renouvelables. Il faut les 2 et une bonne dose de sobriété. Il est nécessaire que les politiques expliquent pourquoi.

Pour développer massivement le solaire l’on ne peut pas compter uniquement sur les toitures. Il faut aussi construire des parcs photovoltaïques au sol tout en évitant le gigantisme et en respectant les règles environnementales. L’éolien demande beaucoup moins de surface au sol que le solaire et doit être massivement installé contrairement à la pensée présidentielle.

Le kWh renouvelable est de l’ordre de 5/7c€/kWh soit 2 fois moins cher que le kWh des EPR. Il faut évidemment développer le stockage soit avec des batteries et/ou de l’hydrogène. Le moins cher serait d’installer quelques STEP (station de transfert d’énergie par pompage turbinage)

Le réseau électrique doit également être renforcé et développé pour accueillir ces productions décentralisées.

Ce défi est immense et nos politiques doivent s’en saisir sans esprit partisan. L’on est devant une réalité incontournable.

Au rythme actuel d’installation de nouvelles capacités de production électrique, la France risque de manquer d’électricité à partir de 2035 si les centrales nucléaires existantes ne peuvent pas être prolongées au-delà de 50 ans. La France devra donc comme en 2022 importer massivement de l’électricité des pays voisins et principalement d’Allemagne, qui continuera avec ses centrales à lignite et à gaz, notamment de schiste importé des USA.

Allons-nous enfin expliquer cette programmation de notre souveraineté énergétique à l’occasion de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie ?

Pour finir il faut noter que notre déficit commercial est très fortement pénalisé par nos importations de produits pétroliers (70% du déficit en 2022).

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