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Bien… mais peut mieux faire !

mardi 21 octobre 2008, par Cyrille Hannppe ECN 92

Voici les principales dispositions figurant au projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme.

Après avoir rappelé (article 3) que le secteur du bâtiment consomme plus de 40% de l’énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions nationales de gaz à effet de serre, les articles 4 et 5 précisent les différentes mesures proposées pour les bâtiments neufs et existants. Il est à rappeler que tous les professionnels s’accordent à penser que le véritable enjeu se situe plus sur les bâtiments existants puisqu’ils constituent l’écrasante majorité du cadre bâti.
Le chiffre important est celui de 50kWh/m²/an qui fixe la norme du « bâtiment basse consommation » (BBC) – il s’applique à tous les bâtiments neufs faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à partir de 2012, et pour tous les bâtiments publics et tertiaires à compter de 2010. Il concerne également tous les bâtiments construits dans le cadre de la « rénovation urbaine » (ANRU). Comme toujours le diable se niche dans les détails, puisqu’il est précisé que « ce seuil sera modulé en fonction […] des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments ». Des députés portés par le lobby nucléaire ont ainsi demandé un amendement amenant le seuil à 120kWh/m²/an pour les bâtiments chauffés par des convecteurs électriques au prétexte que l’énergie électrique n’en dégagerait pas. Au final, un compromis a été trouvé pour la mention « 50kWh/m²/an d’énergie primaire » qui semble contenter les uns et les autres, sans doute par sa formulation peu claire et donc sujette à interprétation.
A partir de 2020, c’est la norme « bâtiment à énergie positive » (BEP) qui s’appliquera pour tous les bâtiments. Il est à noter que la filière bois est clairement encouragée.
En ce qui concerne les bâtiments existants, l’Etat se donne comme objectif de réduire les consommations énergétiques du parc existant de 38% d’ici 2020, avec un audit énergétique de tous les bâtiments de l’Etat à partir de 2010 et des premières opérations avant 2012. Curieusement, les modalités de ces travaux sont déjà indiquées, puisqu’il est dit que la rénovation des 140 millions de m² de l’Etat se fera sous la forme de contrats de partenariats public privé, qui reportent la gestion des opérations financières sur le privé, apportant ainsi un coût global final accru pour la collectivité – à l’heure où les Etats financent les banques, cette indication devient doublement surprenante.
La loi engage par ailleurs les bailleurs sociaux à rénover thermiquement 800.000 logements sociaux avant 2020. Au niveau financement, l’Etat pourra apporter des subventions budgétaires qui pourront aller jusque 20% du coût des travaux mais pour le reste, il est estimé que le coût des travaux devra être amorti par les économies de fonctionnement énergétiques. A l’heure d’aujourd’hui cette hypothèse parait un peu légère dans la formulation puisqu’il est difficile de dire ce que sera le coût de l’énergie de demain et qu’au coût d’aujourd’hui, en rénovation (à l’inverse du neuf) il faut plus d’une vingtaine d’année pour amortir des travaux d’isolation lourde1.
Pour ce qui concerne le parc résidentiel existant, il est indiqué que des mesures fiscales incitatives seront mises en place et « que l’Etat favorisera la conclusion d’accords avec le secteur des banques et des assurances pour développer le financement des investissements d’économie d’énergie grâce aux produits futurs des économies réalisées. ». Là encore, le pari parait un peu hasardeux.
Un des points les plus nouveaux et intéressants de la loi est celui qui concerne l’urbanisme, point essentiel qui avait auparavant été oublié dans les débats officiels.
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié pour inclure dans son article L1102 la mention « de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de maîtriser la demande d’énergie et d’économiser les ressources fossiles »,
Il est demandé aux conseils régionaux, aux conseils généraux et aux communes de plus de 50.000 habitants d’établir des « plans climat énergie » territoriaux avant 2012.
Le droit de l’urbanisme devra prendre en compte les objectifs de lutte contre le changement climatique et la régression des surfaces agricoles et naturelles. Des seuils minimaux de densité pourront être définis pour lutter contre l’étalement urbain et la déperdition d’énergie. L’urbanisme devra être envisagé de façon globale, prendre en compte le préservation de la biodiversité et la gestion économe des ressources et de l’espace.
Enfin, l’État promeut la réalisation, par les collectivités publiques, d’opérations exemplaires
d’aménagement durable des territoires. Il mettra en œuvre un plan d’action pour encourager les collectivités publiques à réaliser des éco-quartiers.
A plus grande échelle, l’Etat encouragera la réalisation, par des agglomérations volontaires, de programmes globaux d’innovation énergétique, architecturale et sociale, en continuité avec le bâti existant, qui intégreront dans leurs objectifs la rénovation du patrimoine existant le développement des transports en commun et des modes doux de déplacement, la prise en compte des enjeux économiques et sociaux, la réduction de la consommation d’espace et la réalisation de plusieurs éco-quartiers.
Un plan pour restaurer la nature en ville sera préparé pour l’année 2009.

En conclusion, il apparaît que ce projet de loi, qui est encore en discussion à l’heure où nous écrivons ces lignes, présente un fantastique bond en avant pour la qualité de notre environnement. Si les choses sont claires pour les bâtiments neufs, la question du patrimoine existant parait un peu légère, dans la mesure où sa mise en œuvre est basée uniquement sur un avantage pécuniaire hypothétique. On imagine mal une copropriété engager des travaux qui mettront vingt ans à être amorti. A défaut de mesure contraignante, il faudrait au moins imaginer des systèmes de « bonus-malus » liés à la consommation énergétique des bâtiments. En ce qui concerne l’urbanisme, il est impératif que des mesures claires et suffisamment contraignantes soient précisées dans le code de l’urbanisme. Si la promotion d’éco-quartiers ne peut qu’être saluée, il ne s’agira là que d’exemples à suivre, alors que rien n’est indiqué en ce qui concerne le « déjà-là » : banlieues pavillonnaire tentaculaires et zone d’activités dévoreuses de territoires ; Ces points restent en suspens, alors qu’ils sont fondamentaux.

1 Le prix du kWH EDF est à ce jour de 0,1106€ . Si l’on considère un appartement de 100m² consommant 230kWh/m²an que l’on désire amener à 50kWh/m²an, on obtient un différentiel de 180kWh/m²an, et donc une économie de dépense de 180*100*0,1106 = 1991€/an. En dix ans, cela amène à 19.910 euros, mais, pour amener un bâtiment existant à 50kWh/m²an, il faut compter au moins le double en travaux.
2 Article L110 du Code de l’Urbanisme : « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d’aménager le cadre de vie, d’assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d’habitat, d’emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, d’assurer la protection des milieux naturels et des paysages ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l’équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d’utilisation de l’espace. »

Retrouvez cet article dans le Flash n°7

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